Vaincre la peur de vide

par Eillen Sellam

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AUSSI LOIN QUE JE ME SOUVIENNE, j'ai eu la peur du vide. En vacances à la montagne, j'étais souvent prise de peur à l'approche d'un précipice, je perdais la maîtrise de mes mouvements, c'était un véritable cauchemar. Je croyais parfois que quelqu'un allait me pousser dans le vide. Souvent, je me sentais attirée par le précipice comme si quelque chose me poussait vers l'avant et au-delà dans le vide. J'avais l'impression de combattre à l'intérieur de moi afin de résister à cette tentation et des symptômes de peur m'envahissaient comme si j'étais déjà au bord du précipice, prête à sauter, alors qu'en réalité j'étais à quelques mètres du bord. Cette expérience était terrifiante, j'en tremblais de tout mon corps, j'étais souvent au bord des larmes, au bord du malaise.

J'ai essayé plusieurs tactiques, comme par exemple me forcer à aller près du précipice malgré la peur. Certains amis m'ont accompagnée dans cette démarche mais sans succès. Au contraire, je me sentais après encore plus bloquée face à ce problème.

En juillet 1997 lors d'un stage de LearningMethods avec David Gorman auquel je participais comme enseignante, une des stagiaires a décrit sa peur du vide. Déjà en l'écoutant je commençais à avoir un peu la nausée et j'ai dû à plusieurs reprises me rappeler que j'étais assise sur un canapé dans un salon au calme. J'ai partagé avec le groupe mes aventures face à cette peur du vide, pour soutenir l'élève et aussi parce que j'étais prête à exposer mon problème.

Une des prémisses de ce travail, c'est qu'il est possible de comprendre et de changer en étant au milieu de la situation où le problème apparaît, pour expérimenter directement ce qu'il se passe réellement. Alors, nous sommes tous allés sur une place autour d'une cathédrale qui se trouve à 25 mètres au-dessus d'une rivière. Il y avait un petit mur bas tout autour de la place avant le précipice. Ce type d'endroit allait provoquer sans doute les peurs habituelles.

Nous étions tous au centre de la place, assez loin du bord. David commença à travailler avec l'autre élève, lui demanda de marcher tranquillement vers le petit mur et de s'arrêter dès qu'elle sentait quoi que ce soit d'étrange, une peur ou le commencement d'une peur. En les écoutant, j'appliquais de mon côté le processus utilisé.

Elle commença à avancer vers le bord, après quelques pas, elle dit qu'elle ne se sentait pas très bien. David lui demanda de s'arrêter immédiatement. Il lui demanda exactement ce qu'elle ressentait et où, elle répondit qu'elle était "nouée" à la gorge et au niveau de la poitrine. Il lui demanda si cela était habituel dans ces situations. Elle réfléchit un instant et dit que oui, mais qu'habituellement elle ignorait ce ressenti et continuait à avancer car ce sentiment était sa peur du vide, et elle le vivait comme si elle ne devait pas le sentir et ne souhaitait pas le sentir.

David lui a fait remarquer qu'elle était suffisamment présente pour noter les premiers signes de sa réaction, mais que normalement elle n'y prêtait pas attention et ne répondait pas à ses sensations. Elle continuait malgré tout jusqu'au moment où les sensations étaient telles qu'elle se trouvait hors d'elle. Cette fois-ci, elle avait la possibilité de répondre différemment à ses sensations car elle en était maintenant consciente.

Il lui expliqua une expérience qu'elle pouvait faire dans cette situation, et qui consistait à choisir consciemment de se laisser sentir ce malaise sans essayer de faire quoi que ce soit pour s'en débarrasser ou de prétendre que les sensations ne sont pas là ou bien de réagir en arrêtant l'expérience comme elle le faisait normalement. En d'autres termes, d'accepter ce qu'elle ressentait, simplement parce qu'elle le ressentait. Il lui expliqua qu'il était à la fois important qu'elle garde consciemment son intention de s'approcher du petit mur tout en choisissant de s'arrêter si elle ressentait la peur ou si elle se sentait mal à l'aise.

Il lui expliqua que ceci n'était pas une formule qu'elle devait appliquer, mais un choix qu'elle devait consciemment faire, ce choix, elle en avait le contrôle. Elle pouvait choisir de continuer à avancer malgré sa sensation, ou de baisser les bras en arrêtant tout à cause de cette sensation, mais, elle pouvait choisir de rester où elle se trouvait parce qu'elle ressentait un symptôme.

Cela a pris un certain temps pour qu'elle puisse accepter la sensation et qu'elle se laisse réellement la vivre sans réagir ou se précipiter, tout en restant claire avec son intention de marcher vers le petit mur. Elle avait tendance soit à perdre son intention en se concentrant seulement sur la sensation, soit elle retrouvait son intention et souhaitait que quelque chose change pour qu'elle puisse continuer. Ensuite, vint le moment où elle accepta enfin d'être là où elle se trouvait, en sentant ce qu'elle sentait, bien qu'elle ne veuille pas s'approcher du mur. D'une façon surprenante, l'instant qui suivit, la sensation disparut et elle se sentit juste là "normale"!

Alors David lui dit de commencer à nouveau à avancer vers le bord, mais de s'arrêter dès qu'elle ressentait quelque chose. Chaque fois qu'elle sentait le début d'un symptôme, elle s'arrêtait et répondait aux questions d'identification et localisation de la sensation en s'autorisant à ressentir, et en choisissant consciemment de garder son intention. Ce processus lui permit de rester en contact avec elle-même à chaque instant. Après avoir utilisé ce processus deux ou trois fois, elle commença à être présente à son environnement, à évaluer les distances, à réaliser qu'elle se trouvait sur une terre stable, qu'elle n'était pas en train de tomber. Donc, le processus l'a aidée à être dans le moment présent où elle pouvait expérimenter qu'il n'y avait pas de danger. Petit à petit, en utilisant les mêmes outils elle arriva près du mur sans être bouleversée.

À ce moment-là, nous étions tous debout près du mur. David me demanda comment je me sentais après avoir été témoin de cette expérience. À vrai dire, à ce moment-là, je me sentais libérée de ma pression habituelle près du vide, car moi aussi j'avais utilisé cette approche et avais choisi de m'arrêter dès que je sentais quelque chose d'étrange, comme un resserrement ou le début d'une peur.

Grâce à ce processus, j'ai réalisé que j'étais maître de mes mouvements! J'ai réalisé à quel point je me poussais habituellement pour avancer malgré les symptômes qui venaient à moi et me disaient: "danger, stop". Avant, ce message de mon système n'était pas clair donc je le repoussais comme quelque chose que je n'aimais pas et j'essayais de continuer ce que je voulais. Soudain, j'ai compris pourquoi cette démarche ne pouvait pas marcher. En fait, je me mentais à moi-même, en refusant de voir la réalité telle qu'elle est, mais telle que je souhaitais qu'elle soit. Quelle illusion! Quelle attitude de non respect de moi-même.

Chaque fois que j'ai réagi au symptôme dans le passé en prétendant qu'il n'existait pas, et en me forçant, le résultat était une réaction de peur encore plus forte qui m'envahissait et où aucune action et aucun choix n'était possible. Je me forçais tellement, que je me trouvais en fait en avance par rapport à là où j'étais. C'est certainement pourquoi si souvent je me sentais au-delà d'où j'étais, attirée par le bord, incapable de contrôler la situation. J'ai réalisé alors que ce sentiment d'être poussée venait de moi-même. Cette chose qui allait me pousser au bord, c'était moi, Eillen pousse Eillen, une séparation d'identité telle que je ne me rendais même plus compte que c'était moi.

Il n'est pas étonnant que je n'aie pu savoir où je me trouvais dans l'espace, et que les symptômes aient été si forts. Tout cela m'apparut clairement et je me sentis libre soit de me pousser, soit de m'autoriser à être moi-même. Quelle bonne sensation! Quelle découverte!

Avec ce sentiment de liberté qui m'habitait, je décidai de m'asseoir sur le petit mur. Le groupe était très surpris car toute leur attention avait été prise par l'élève, et ils ne savaient pas que j'avais utilisé depuis le début ce que David lui suggérait et que j'avais découvert beaucoup de choses par moi-même. Au début du cours, ils m'avaient tous entendue parler de ma peur du vide, et maintenant, ils me voyaient m'asseoir sur le bord d'un mur au pied d'un précipice!!

À ce moment-là, moi j'en voulais plus. J'ai demandé à David: "et si je m'asseyais maintenant de l'autre côté du mur avec les pieds dans le vide?" La surprise était générale. Même ceux qui n'avaient pas peur du vide n'auraient pas imaginé s'asseoir aussi près d'un grand précipice. Quel saut ai-je fait (et c'est le cas de le dire)! Que s'était-il passé, cette soudaine libération me procurait le sentiment que tout était possible. Après avoir été retenue en arrière pendant si longtemps, maintenant que j'étais libérée, j'en voulais plus, et bien sûr, ce n'était pas réaliste à moins de décider de devenir une acrobate!

J'ai eu la possibilité d'expérimenter à nouveau l'approche du vide avec ces nouveaux outils le lendemain, en étant sur un plongeoir d'une piscine découverte à environ trois mètres de haut. Je ressentais quelque chose au niveau de l'estomac, David me conseilla d'arrêter d'avancer sur le plongeoir à chaque fois que je me sentais mal à l'aise, le même processus que la veille. J'ai dû m'arrêter plusieurs fois, le resserrement de l'estomac apparut à plusieurs reprises. Cela a pris une demi-heure pour que je puisse arriver au bout du plongeoir en regardant l'eau. Le processus était le même, rester consciente de ce qu'il se passe pour moi pas à pas, ne pas continuer à avancer si je ressens cette peur, en d'autres termes, être en contact avec moi-même, pouvoir choisir de répondre à mes sensations avec respect et sans réaction.

J'ai donc pu sauter de ce plongeoir sans cette peur envahissante, et là encore, je me suis sentie libérée, triomphante!


About the Author Photo of the author, Eillen Sellam

Eillen Sellam

comes to teaching the LearningMethods work from a background in dance, music and the Alexander Technique. She completed her training as an Alexander Teacher in France and the United States. Over the years, her work has been enriched by her encounters with many teachers and by her experiences in Indian dance, singing, painting and the martial arts.

Up to 1996 Eillen maintained a private teaching practice and worked with singers of the École de Formation Lyrique de l’Opéra Bastille in Paris, but inspired by her experiences with the LearningMethods work outlined in her articles, she changed her direction to become a teacher of the LearningMethods work. She taught regularly at the Conservatoire de Théâtre in Avignon for years and now, having moved to Canada, she is building up her work there.

She was giving workshops in LearningMethods and Improvisational Creativity in various countries around Europe, Canada and the USA, until she began to take her knowledge of how to help young people into the mainstream. Eillen is now the director of a not-for-profit organization funded to bring educational programs on empathy, respect, and anti-bullying into the public school system in Ontario, Canada.

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